Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les Gens du voyage

VIE ÉCONOMIQUE - FORMATION

Les Gens du voyage développent des activités professionnelles multiples comme travailleur indépendant et/ou salarié. Ambulantes ou sédentaires, elles se pratiquent respectivement sans ou dans un local professionnel.

Traditionnellement liées à des professions ambulantes, ces activités peuvent être commerciales (vente), artisanales (prestation de service) et culturelles (spectacle, attraction). Elles se pratiquent sur des lieux ponctuels (marché, voie publique), autour d’un réseau de clients ou en prospection. Elles sont temporaires, saisonnières ou permanentes et sont en constante adaptation face aux évolutions de la société.

De plus en plus, les Voyageurs exercent des activités salariées dans différents secteurs – agriculture, bâtiment, industrie/logistique, services – sous différents statuts – intérim, CDD, CDI, à temps complet ou partiel. Une majorité de Voyageurs a une activité économique déclarée.

Quant à la formation, elle s’opère d’abord de manière empirique, par transmission familiale plutôt que par les apprentissages scolaires, limitant les possibilités pour les activités futures. Les compétences s’acquièrent généralement dans le cadre familial, mais aussi par apprentissage lors d’une activité salariée ou au contact d’un professionnel qualifié appartenant au réseau social des Voyageurs. Des programmes de valorisation de l’expérience (VAE) ou de formations qualifiantes pour adultes sont également mis en œuvre.

Les associations du réseau Fnasat-Gv proposent :

  • Un accompagnement à la création d’entreprise ;
  • Un soutien à la gestion administrative, comptable et fiscale de ces entreprises ;
  • Une valorisation des savoir-faire transmis familialement ;
  • La mise en œuvre de dispositifs de validation et de qualification ;
  • Un accompagnement vers l’emploi.

Ces actions sont menées individuellement et collectivement. Elles sont construites de manière à développer l’autonomie des personnes.

Une sélection de ressources numériques de la médiathèque Matéo Maximoff
Une économie intégrée à l’économie globale

Selon l’étude de Blum Le Coat et Catarino, les activités des Gens du voyage sont mal connues et dépréciées. Cette méconnaissance laisse libre cours aux préjugés ou permet une occultation du travail des Gens du voyage, relégué dans une sorte d’invisibilité sociale (Blum Le Coat , Jean-Yves;  Catarino, Christine 2004).
Pourtant comme le souligne  Alain Reyniers, l’économie tsigane  a toujours été étroitement imbriquée à celle des sociétés d’accueil et largement dépendante des grands courants d’échanges qui les caractérisent. Les Tsiganes participent donc concrètement à la création et à la circulation des richesses du monde dans lequel ils vivent. Toujours selon Reyniers, ce système économique s’articule sur des réseaux d’entraide efficaces, déployant des savoir-faire éprouvés qui contribuent en fin de compte, autant à la satisfaction de besoins locaux spécifiques qu’à la dignité des familles. (Reyniers, Alain 1998)
Ce système est également décrit par Chignard, selon trois notions le caractérisant : l’indépendance, la polyvalence et la mobilité. Trois notions qui ne décrivent pas seulement l’organisation du travail mais qui révèlent un mode de vie, une manière de gérer le temps et l’espace, ainsi qu’une certaine conception de la famille et des solidarités. (Chignard, Louis 1995)
Les activités indépendantes dont la rentabilité est immédiate sont les plus  recherchées ; en tant que travailleurs indépendants, les gens du voyage sont maîtres de leur temps et de leur force de travail, libres de leurs mouvements comme de l’organisation de leurs activités. (Reyniers, Alain 1998) Dans le cadre d’une économie plus large, à l’intérieur de laquelle ils se meuvent, les Tsiganes se distingueraient des autres agents économiques par la fourniture intermittente de marchandises, de services et de main-d’œuvre là où l’offre et la demande sont irrégulières dans le temps et dans l’espace. (Reyniers, Alain 1992)
En 2018, la revue Etudes tsiganes, consacre un dossier à l’économie des Gens du voyage en France. Alain Reyniers revient sur les caractéristiques principales de cette dernière. En tenant compte  des changements dus à l’évolution de l’économie mondialisée, à la sédentarisation grandissante et à l’apparition du statut d’autoentrepreneur, Il constate que la sollicitation de la clientèle par la chine, l’ambition d’être et de rester un travailleur indépendant ou, dans une certaine mesure, le maintien de capacités adaptatives continuent de distinguer les activités de production observées.

Références bibliographiques

Blum Le Coat , Jean-Yves;  Catarino, Christine (2004) Bilan critique des études et documents concernant les « Gens du Voyage », Ministère de l’Equipement des Transports et du Logement, 307 p. en ligne

Chignard, Louis (1995)  Le système économique du voyage, Hommes & Migrations n° 1188-1189 p. 69-74 en ligne

Économie tsigane : une économie solidaire intégrée à l’économie globale (1998) Études Tsiganes n°12. Présentation en ligne

Guérin, Mickaël (2021) « Travailler comme les Gadjés ? » Recomposition des activités économiques et salarisation des Gens du voyage, thèse de sociologie, Université de Nantes, 250 p (consultable à la médiathèque Matéo Maximoff)

Reyniers, Alain (1992) RMI et insertion sociale : un détour par l’économie, Études Tsiganes n°2 p. 2-14 en ligne

Reyniers, Alain (1998) Quelques jalons pour comprendre l’économie tsigane, Études Tsiganes n°12 2/1998 p 8-32  en ligne

Reyniers, Alain (2018) L’économie des gens du voyage : approche anthropologique , Études Tsiganes n°64,  4ème trim 2017, p10-21

Pour en savoir plus

Bechelloni Orsetta, (2004) Sous la gadoue, les louis d’or, dans Économies choisies ? Échanges, circulations et débrouille  Éditions de la Maison des sciences de l’homme, p 125-144 en ligne

Bordigoni, Marc (1998) Gitans et saisons en Calavon, Etudes Tsiganes N°12,  p. 47-71 en ligne

Enclaves nomades : Habitat et travail mobiles [texte imprimé] / Le Marchand, Arnaud . – Bellecombe-en-Bauges : Éditions du croquant, 2011. – 226 p. – (Collection TERRA) .
http://www.reseau-terra.eu/IMG/pdf/ENHT_.pdf

Études tsiganes (revue) n° 65-66 – L’économie des gens du voyage en France (consultable à la Médiathèque Matéo Maximoff)

Reyniers, Alain (1992) La roue et la pierre : contribution anthropo-historique à la connaissance de la production sociale et économique des Tsiganes, Thèse de doctorat en Anthropologie, Université Paris V, 677 p. (consultable à la Médiathèque Matéo Maximoff)

Mutations socio-économiques et obstacles administratifs

Dans le contexte d’industrialisation, de désertification des campagnes et d’urbanisation de la France d’après-guerre, la place des Gens du voyage ainsi que leur situation économique se sont profondément modifiées. Alain Reyniers et Patrick Williams en font la démonstration à l’aune des politiques publiques et de la réglementation du stationnement qui se mettent en place à partir des années 1960 (Reyniers Alain, Williams Patrick, 2001).
Face à ce changement sociétal, les Tsiganes se sont progressivement rapprochés des centres urbains. Tentant de préserver, ce faisant, leur place dans le secteur de la vente ambulante et de la prestation de services, ils se sont trouvés confrontés à une concurrence accrue dans la majorité des secteurs qu’ils privilégient (Cossée, Claire 2007).
Comme le souligne Chignard, certains se sont adapté aux contraintes nouvelles, ont accepté une relative spécialisation, ont trouvé des marchés nouveaux (…) d’autres, au contraire, sont engagés dans un processus de paupérisation (Chignard, Louis 1995).
Une étude réalisée en 2005, s’attache à analyser les barrières rencontrées par les Gens du Voyage dans l’exercice de leurs activités économiques en ce début de XXIe siècle: les contraintes réglementaires y apparaissent en première ligne. Le statut de travailleur indépendant et la création d’entreprise, sont soumis à un empilement de démarches particulièrement complexes, notamment pour les personnes qui ont un faible niveau scolaire, et cela en dépit des dispositifs d’aide ou d’accompagnements dédiés. Dans des secteurs traditionnellement occupés par les Voyageurs comme la vente ambulante ou les activités de recyclage, la réglementation accrue est devenue un obstacle majeur. Le constat s’applique également au domaine de la formation et de la qualification : l’apprentissage familial informel n’est pas pris en compte et la pluriactivité pratiquée de longue date par les familles ne rentre pas dans le cadre des « nomenclatures-métiers ». (Cossée, Claire 2005)
Concernant l’accès à l’emploi et aux dispositifs d’insertion de nombreux freins sont pointés. Hormis les difficultés découlant du statut régi par  la loi du 3 janvier 1969 (aboli en 2016), des problèmes liés à la domiciliation, à  l’accès aux services bancaires et aux assurances et pour l’activité salariée des cas  de discriminations directes à l’embauche ou dans l’entreprise sont attestés. (Cossée, Claire 2007) (Schumacher, Eric 2007).

Références bibliographiques

Cossée, Claire (2007) L’accès aux droits relatifs à l’initiative économique et à l’emploi. L’accès aux droits sociaux des populations tsiganes en France sous la dir. De Jean Pierre Liégeois, p.119-151 (consultable à la Médiathèque Matéo Maximoff).

Cossée, Claire (2007) L’accès aux droits relatifs à l’initiative économique et à l’emploi. L’accès aux droits sociaux des populations tsiganes en France sous la dir. De Jean Pierre Liégeois, p.119-151 (consultable à la Médiathèque Matéo Maximoff).

Cossée, Claire (2005) L’économie des Voyageurs en Europe. Quelle reconnaissance ? La diversité culturelle au sein des pratiques et de l’organisation économiques. Etude pour le projet transnational ETAP, programme européen EQUAL [rapport]  Fnasat, 111 p (consultable à la Médiathèque Matéo Maximoff).

RADIO MICHTO (2018) Gens du voyage : Le travail  (tour d’horizon des évolutions sociales, économiques, juridiques qui ont poussé les Voyageurs à développer de nouvelles compétences et de nouveaux métiers pour s’adapter à ces réalités) EMISSION en ligne

Reyniers Alain, Williams Patrick(2001) Permanence Tsigane et politique de sédentarisation dans la France de l’après-guerre, Études tsiganes n°15, p 10-25 en ligne

Schumacher, Eric (2007) Apprentissages, savoir-faire et activités professionnelles des Gens du voyage,  INSTEP / Fnasat, durée 28 min VIDEO en ligne

Insertion socio-professionnelle et développement économique

De 2002 à 2007, le projet CODIPE (projet national de lutte contre les discriminations dans les domaines de l’emploi et de la formation)  a permis à la Fnasat-Gv et à ses associations de mettre en œuvre des actions innovantes selon trois axes : recherche de nouvelles formes d’activités économiques, reconnaissance des savoir-faire des Gens du voyage, construction de passerelles pour améliorer l’accès au droit commun. (CODIPE 2007)

Dans le domaine de la reconnaissance des savoir-faire, l’ADAV33 (Association Départementale Les Amis des Voyageurs de la Gironde) a développé une action visant la qualification des Gens du Voyage dans les métiers du bâtiment à partir d’un aménagement du dispositif VAE (Validation des acquis de l’expérience) (Hétier, Fabienne 2010).

Une décennie plus tard, un groupe de travail du réseau Fnasat-Gv composé de douze associations intervenant dans le domaine de l’insertion socio-professionnelle, fait un état des lieux et d’analyses des pratiques mises en œuvre, afin d’en évaluer la pertinence et de proposer des perspectives. Parmi les préconisations émises : accompagner la suppression de la loi 1969 en faisant disparaitre des documents officiels,  les inscriptions ayant des répercussions discriminantes, comme la mention « communes de rattachement » ou « SDF » ;  favoriser l’accès à la formation des jeunes (12-25 ans) ; favoriser la création de diplômes de niveaux de compétences intermédiaires ; créer un accompagnement à la prévention de la fracture numérique ; faire reconnaitre officiellement le métier de récupérateur de matériaux recyclables etc. (Fnasat-Gv 2016). Une synthèse de cette étude figure dans la revue Études tsiganes n°64 (2018) : l’accent y est mis sur la notion de développement économique appliquée aux micro-entreprises des Gens du voyage, sur le maintien de l’activité indépendante et la question de l’emploi salarié.

L’économie de la récupération et du recyclage des métaux étant  passée  du  stade  de l’artisanat à une dimension industrielle, les Gens du voyage ont été largement impactés par cette mutation.  En 2018, l’association  AGSGV63 s’est donné pour mission  d’élaborer   les  modalités  de  réintroduction  de  l’activité  de  ferraillage  des  Gens  du  voyage  dans la filière règlementaire du recyclage, dans une étude qui prend en compte tous les aspects de la question (écologique, économique, sociale etc.)  (AGSGV63, 2018)

En Loire Atlantique, une  convention a été signée entre Nantes métropole et les Services régionaux itinérants(SRI)  pour la création du Groupement des récupérateurs de métaux qui permet à sept Voyageurs, ayant un statut d’auto-entrepreneur, de récupérer légalement la ferraille de la déchetterie de Rezé (RADIO MICHTO 7, 2018).

Parce qu’ils ont toujours travaillé dur pour gagner leur vie, sans pour autant renier leur culture,

des Voyageurs de la région d’Angoulême ont souhaité montrer qu’il était possible de communiquer sur leurs activités professionnelles afin de lutter contre les préjugés. Elagueurs, ferrailleurs, forains, jardiniers, peintres en bâtiment, ont réalisé un film intitulé « ça ferraille dur ! » sur leur quotidien au travail,  qui montre leurs vraies activités et leurs contributions à l’économie locale. Des projections sont organisées à travers la France accompagnées par l’équipe du film (Tournier, Marc, 2018)

Références bibliographiques

AGSGV63 (2018) L’inclusion sociale et professionnelle des gens du voyage dans la filière du recyclage des métaux, Association de Gestion du Schéma d’Accueil et d’Habitat des Gens du voyage du Puy de Dôme (Clermont Ferrand), 102 p. En ligne

CODIPE (2007) Contre la discrimination, pour l’emploi des Gens du Voyage et des Roms : Colloque organisé en partenariat avec le Conseil de l’Europe, Strasbourg, 6 novembre 2007, Fnasat-Gv, 27 p. En ligne

Fnasat-Gv (2016) L’insertion socio-professionnelle des gens du voyage : Situation et perspectives, 56 p. En ligne

Fnasat-Gv (2018) L’insertion socio-professionnelle des gens du voyage : Situation et perspectives, Études Tsiganes n°64,  4ème trim 2017, p 68-85

Hétier, Fabienne (2010) De la transmission familiale des savoirs à la VAE,  Études  Tsiganes, n°41-42, p 28-34 En ligne

RADIO MICHTO 7 (2018) : Il était une fois la déchetterie de Rezé et la récupération de ferraille, émission en ligne

Tournier, Marc (2018) Ca ferraille dur ! Centre social des Alliers, durée 45 min
contact : marjorie.alliers@gmail.com 05.45.25.08.15

Pour en savoir plus

Ranger le monde : Filière du recyclage et activités de ferraillage (2018) AGSGV63 – 22 min. (VIDEO consultable à la Médiathèque Matéo Maximoff)

La place de l’économie tsigane dans l’économie du pays

Dans la revue Études Tsigane, n° 64, Arnaud Le Marchand s’interroge sur la place de l’économie tsigane au sein de l’économie globale : s’agit-il d’une économie ethnique spécifique, occupant une niche particulière ou d’un ensemble de pratiques qui ne distingue guère les Gens du voyage des autres travailleurs ? En interrogeant les statistiques disponibles, en considérant le marchandage et d’autres pratiques économiques, comme modes minoritaires d’insertion dans l’économie industrielle, en cernant les Gens du voyage comme consommateurs et constructeurs de marchés, en abordant la question de l’accès au crédit et celle de la sédentarisation, l’auteur montre que les choses ne sont pas tranchées et qu’une empreinte culturelle forte continue de spécifier la façon d’être des Gens du voyage quelle que soit leur place au sein de l’économie française.

Le Marchand, Arnaud (2018) Économie de bazar et économie morale : crédit et caravanes. Études Tsiganes n°64, 4e trim 2017, p 22-39.

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